Sylvain Brugière

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brugiere.sylvain@gmail.com

EXPOSITIONS / ACTUALITE

> MONDE FLOTTANT

La Scène Nationale d'Orléans (45)

Galerie du théâtre

Du 7 avril au 27 mai 2023,

du mardi au samedi de 13h à 19h et les jours et soirs de spectacles

https://www.scenenationaledorleans.fr/spectacles/monde-flottant-59.html?article=2543

> CARTE BLANCHE CONTEMPORAINE

Maison Caillebotte, Yerres (91)

Orangerie

Exposition collective

du 24 juin au 30 juillet 2023

https://www.maisoncaillebotte.fr/expositions/2023-carte-blanche-contemporaine-492.html

Septembre 2021 : Participation au Prix AICA 2021, présenté par Guy Boyer : https://aicafrance.org/prix-aica-2021-guy-boyer-presente-lartiste-sylvain-brugiere/

Catalogue Prix de la critique d'art Aica-France 2021 / Edition In fine
« Au-delà de ce qui est représenté, la peinture est matière physique à révéler et je suis toujours surpris par ce qui apparaît soudain à la surface de ma toile »
Propos de l’artiste recueillis par Guy Boyer, 2021

C’est en voyant sur Instagram pendant le confinement l’image de ces deux fillettes plongeant dans un lac que j’ai vu pour la première fois le travail de Sylvain Brugière. Cet éclaboussement de lumière et de couleurs évoquait aussitôt la joie de vivre. J’ai voulu en savoir plus, mais rien sur Internet.
 
Il m’a fallu contacter l’artiste, vivant à Orléans et enseignant au collège. En fait, Sylvain Brugière s’est un peu cherché, entre photographie et arts appliqués, avant de se remettre à la peinture.
Depuis 2018, il peint des Flottants, une série d’autoportraits alternant avec d’autres toiles que j’ai choisi de présenter dans l’ordre chronologique, de manière descriptive.
 
À la série des Flottants, répond la série des Musées. Sylvain Brugière passe d’une série à l’autre de manière simultanée. Ici, c’est Christina, l’une de ses amies, qu’il capture devant une toile d’Ellsworth Kelly exposée à la Collection Lambert à Avignon. Au corps bien campé de la visiteuse répond l’immense tableau monochrome qui semble basculer.

Autre prouesse, cette scène charmante où Basile, le fils de l’artiste, s’appuie sur le socle d’une statue en marbre du musée des Beaux-Arts d’Orléans. La salle est encombrée. Les cadres des tableaux forment une grille orthogonale rigoureuse venant contrebalancer les courbes de la Vénus XIXe sortant du bain.

Sylvain Brugière fait également des portraits, de son fils Basile sur la plage, par exemple. Dans le premier, mon préféré, la toile est coupée en deux. Une partie bleu uni pour le ciel, une partie de bleu, rouge et prune pour le sable. Dans un geste élégant, le garçon s’essuie le front. Il tient une petite pelle à la main, seule touche verte de la toile.
C’est grâce au second tableau que l’on comprend ce qu’il fait, ce qu’il regarde. Ce magma, au centre, est sans doute les restes d’un feu car, dans l’autre toile, de la fumée envahit l’arrière-plan.

Vous l’avez compris. Brugière aime jouer des oppositions et des complémentaires. Dans cet Autoportrait à l’acrylique sur toile, le fond constitué de trois zones superposées est totalement abstrait.
On dirait un Mark Rothko peint uniquement avec des couleurs froides. Puis apparaît la partie supérieure d’un corps, celui de l’artiste, droit comme un i.

Pour rompre avec ces représentations humaines, Sylvain Brugière se détend avec des paysages, à l’acrylique ou au pastel. Parfois on reconnaît l’orée d’un bois, parfois des feuillages près de l’eau à la manière des Nymphéas de Monet, quand le végétal se mêle à l’eau, quand on ne sait plus où est la limite des formes. Ici, le lac est le miroir des nuages, qui deviennent glaciers comme chez Caspar David Friedrich. Brugière s’amuse également avec des gros plans d’objets.
Ici, ce n’est pas une feuille mais un plat de Vallauris avec toutes les brillances de l’émail, la profondeur du vert sombre et cette ombre rouge aux accents fauves.

Avec régularité, la série des Flottants s’enrichit de variations. Les sixième et septième déforment encore davantage les corps. La couleur chair se teinte de bleu, devient marbrure. La touche s’épaissit comme chez Frans Hals. Il y a de la chair expressionniste à la Schiele ou à la Maria Lassnig. On y voit le plaisir de peindre, on y sent la jouissance de l’invention. Ce dos qui se déforme avec les moirures de l’eau, ce bras qui se transforme en moignon, ce bleu qui de turquoise passe au bleu sale, dramatique comme une noyade.

Sa peinture est parfois sujet à énigme. Qu’est-ce que cette tache jaune sur fond gris ? « Un bloc d’un mètre de haut posé devant la falaise d’Etretat, répond l’artiste. Cet énorme caillou taillé à vif faisait office d’objet. Avec ses algues d’un jaune citron, il captait la lumière ». Ce pourrait être un hommage aux surréalistes Yves Tanguy et Salvador Dali. Pure délectation de peinture.

L’exercice des Flottants se poursuit depuis deux ans déjà. Sylvain Brugière en a peint douze, un corps de femme et onze autoportraits. Le neuvième est devenu plus compact, le dixième tend le bras droit.
Le corps du onzième se disloque, il n’est qu’aspérité, angles vifs comme le rocher d’Etretat. Tous ces Flottants opposent un fond lisse, sans relief à un corps tout en matière, trituré dans la peinture.

Chaque Flottant peut exister seul, mais il peut participer à un ensemble car leurs rythmes sont différents, leurs bleus sont différents. Comment Sylvain Brugière les imagine t’il présentés ? « Je voudrais pouvoir accrocher les Flottants tous ensemble, confie l’artiste. J’aimerais les voir suspendus dans les airs, comme en lévitation. Il pourrait y en avoir une cinquantaine, dans une chapelle ou un vaste espace vide ». Pas de projet à l’horizon mais à bon entendeur, salut !

Ces derniers temps, Sylvain Brugière est revenu aux portraits. Dans la série des musées, il a placé Christina devant une toile de Jean Dubuffet. Celui qui figurait à l’exposition Préhistoire du Centre Pompidou. Sa silhouette noire bascule parmi les ombres et devant les entrelacs bleus et rouges du maître de l’Art brut. 

Même méthode de travail pour le portrait de son fils Basile, tout petit devant la grande peinture de Cristof Ivoré au Frac Auvergne, à Clermont-Ferrand. A la précision des traits de l’enfant agenouillé avec son jouet répond le geste épais du bouquet de fleur accroché sur la cimaise blanche. Une dernière œuvre montre encore Basile allongé devant une grande composition verticale. « Peindre est pour moi un acte primaire, sensuel, conclue Sylvain Brugière. Au-delà de ce qui est représenté, la peinture est matière physique à révéler et je suis toujours surpris par ce qui apparaît soudain à la surface de ma toile ».


GUY BOYER, 2021